Histoire de Vichy

François-Georges Dreyfus

Paris

Perrin

1990

818p.

cartes

ISBN : 2.262.00745.4

Trente-six ans aprés le courageux ouvrage de Robert Aron, il manquait une nouvelle histoire générale de Vichy qui embrassât lucidement, sans manichéisme, dans sa complexité, en tenant compte du contexte et de l'indispensable chronologie, l'ensemble des idées et des actes du régime de Vichy et de ses dirigeants. C'est celle que le professeur François-Georges Dreyfus s'est attaché à nous donner.
Vichy, c'est le retour à la tradition, la proclamation d'une Révolution Nationale qui est une contre-révolution, la dénonciation de boucs émissaires qui sont les juifs, les francs-maçons, l'enseignement anti-clérical, et l'impuissance parlementaire. F.G. Dreyfus démontre, dans trois remarquables chapitres sur l'avant-guerre, qu'antiparlementarisme, anticommunisme et antisémitisme n'étaient pas des thèmes réseervés à la seule extrême droite. Il explique aussi comment le discours et les ordonnances de l'Etat français rencontrèrent si peu d'opposition en 1940. Mais Vichy, ce n'est pas seulement l'autoritarisme, la collaboration et les compromissions avec l'occupant, la participation aux persécutions raciales. C'est aussi, sous l'impulsion de technocrates de haut niveau intellectuel, une étonnante floraison de projets, de réformes et de lois. Beaucoup avortèrent, dans un pays saigné par l'occupant, aux prises avec la pénurie, privé de centaines de milliers d'hommes. Toutefois, F.G. Dreyfus n'hésite pas à dire que, dans des conditions aussi difficiles, se sont amorçés un redressement démographique et la future renaissance économique. Industrialisation, planification souple, aménagement du territoire ont commencé dès 1941.
Outre les aspects trop souvent négligés, ou occultés de l'activité de Vichy, l'auteur analyse naturellement les politiques sinueuses des dirigeants de Vichy, en insistant sur les deux premières années, celles où la victoire hésite encore. Il consacre une place particulière à la souplesse et aux spéculations d'un Darlan, uniquement soucieux de mettre la France du côté du vainqueur. Après, c'est Vichy-satellite, aux prises avec les exigences croissantes des Allemands, avec les ultras collaborationnistes et avec la Résistance; c'est un Laval qui se croit seul capable d'éviter la "polonisation". La France connaitra, de fait, beaucoup moins de victimes politiques et raciales que les autres pays occupés, elle donnera à l'Allemagne moins de travailleurs que celle-ci ne l'exige, mais au prix d'une complicité dans laquelle la postérité a fini par résumer Vichy.
Oeuvre d'un universitaire rigoureux, ce livre se veut nuancé, impartial, indépendant des idées reçues, au risque de déranger.

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